Edito - L'avènement (…)

Edito - L’avènement de la guerre low-cost

La guerre entre la Russie – l’agresseur – et l’Ukraine – la victime – a chamboulé profondément la « chose » militaire. Elle livre de nombreux enseignements, qui obligent les états-majors à revoir en hâte leur copie pour tenir compte des bouleversements intervenus sur le terrain depuis trois ans.
Par exemple, les drones et les missiles ont pris une importance considérable dans le conflit. Ces appareils volent en essaim vers leurs cibles. Si beaucoup sont « descendus », certains font mouche, loin derrière la ligne de front. Les dégâts infligés à l’ennemi sont tout autant psychologiques que bien réels. Ils sapent le moral des populations car personne n’est à l’abri de ces machines volantes téléguidées.
Ces armes, qui ont prouvé leur efficacité, présentent l’avantage de ne pas exposer la vie de pilotes et d’être beaucoup moins onéreuses que les chasseurs-bombardiers traditionnels. Car nous ne sommes plus en 1940, époque où les Spitfire et autres Messerschmitt étaient fabriqués à bon coût et en grand nombre. Aujourd’hui, le prix d’un Rafale ou d’un F-35 et de leur « environnement » technologique représente des sommes astronomiques. Les armées de l’air évitent donc de les exposer inutilement. Kiev a réussi à détruire des bombardiers stratégiques russes porteurs de l’arme atomique stationnés à des milliers de kilomètres avec, paraît-il, des drones à 500 euros pièce, que l’on trouve dans le commerce.
Même chose avec la nouvelle guerre de l’ombre – sur le net, par des sabotages, par la désinformation – qui a réalisé des « progrès »... dont on se passerait bien. Comme pour les nouvelles armes, elle ne coûte pas cher, mais fait des dégâts dans les opinions publiques, surtout quand celles-ci sont libres.
L’Europe n’avait pas connu de conflit sur son sol depuis 80 ans. Lorsque les troupes de Poutine ont déferlé sur le Donbass, on pouvait penser que l’ours russe ne ferait qu’une bouchée de son petit voisin. Mais, forçant l’admiration par son courage, David a infligé des blessures d’amour-propre à Goliath en lui arrachant du croupion quelques plumes : la destruction du croiseur Moskwa, navire amiral de la flotte russe en mer Noire, la coupure du pont symbolisant l’annexion forcée de la Crimée par un spectaculaire sabotage, la destruction d’avions et de matériels de Moscou, des milliers de prisonniers, etc.
Pour les hauts stratèges, ces divers enseignements donnent matière à réflexion. Ramenés à la France ou à l’Europe, ils signifient que les sites les plus stratégiques, même les mieux protégés, restent extrêmement vulnérables, à la merci d’une opération commando. Cela fait penser au mollah Omar s’enfuyant de Kaboul… au guidon de son vélomoteur et réussissant à passer à travers les moyens technos les plus sophistiqués déployés par les Américains pour l’arrêter.
Bien sûr, la guerre « traditionnelle » perdure. Les tranchées, les tirs d’artillerie, dans une forme « à l’ancienne » pas si éloignée de celles de 14-18 et de 39-45. L’Allemagne se donne trois ans pour se réarmer de façon conventionnelle pour protéger son territoire d’une éventuelle attaque. La menace est clairement désignée : Berlin ne craint pas les pays baltes, la Suisse ou le Grand-Duché du Luxembourg, mais bel et bien la Russie. Vladimir Poutine a entraîné son pays dans « une logique de guerre », et il ne peut plus l’arrêter, sauf à perdre la face, et disparaître…