Formalités des entreprises : Un guichet enfin unique ?
- Par Sébastien Guiné --
- le 3 janvier 2025
Après l’échec de 2024, le gouvernement tente à nouveau de mettre en place, depuis le 1er janvier, un guichet unique pour toutes les formalités d’entreprise.
« Le Guichet étant désormais fonctionnel, cette procédure de continuité (avec Infogreffe, NDLR) s’éteindra le 31 décembre 2024 (conformément à l’arrêté du 26 décembre 2023 pris en application de l’article R.123-15 du code de commerce) », a assuré le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie dans un communiqué de presse du 11 décembre.
Nous étions alors une dizaine de jours avant le remplacement d’Antoine Armand par Éric Lombard au poste de ministre de l’Économie. Mais pour le moment, pas de nouvelle communication au sujet du Guichet unique, ouvert par l’État en janvier 2023 et opéré par l’INPI (Institut national de la propriété industrielle). Toutes les entreprises peuvent réaliser l’ensemble de leurs formalités (création, modification, dépôt de document et cessation d’entreprise) à travers ce Guichet depuis le 30 juin 2023 après un tout premier déploiement en juillet 2021 à destination des professionnels des formalités seulement. Ce devait être le seul accès pour tous à partir du 1er janvier 2024 mais à la suite de dysfonctionnements et de retards, le gouvernement avait rétropédalé et autorisé une procédure de continuité, via Infogreffe.
Le ministère de l’Économie explique aujourd’hui qu’il s’agissait alors de « sécuriser la vie des affaires et d’accompagner les acteurs dans leur changement de pratique ». Il ajoute dans son communiqué que si la procédure de continuité « a prouvé toute son utilité sur la période, cette solution est aujourd’hui source de dysfonctionnements notamment sur le transfert d’informations au Registre national des entreprises (RNE) ou SIRENE, seul le guichet opéré par l’INPI étant doté des outils adaptés à une transmission fluide des données, sans solliciter les déclarants une deuxième fois ».
« Pas toujours compris »
Présidente de JSS (Journal Spécial des Sociétés), Myriam de Montis a récemment rappelé dans un blog que « depuis l’ouverture du Guichet unique (GU) il y a deux ans, qui était loin d’être prêt et opérationnel, Infogreffe, le site des greffiers des tribunaux de commerce, permettait en cas de blocages sur GU d’effectuer quand même des formalités légales de modifications et de cessations pour ensuite les dispatcher sur le greffe compétent pour traitement et mise à jour du Kbis ». Elle ajoute, fataliste, que « quel que soit l’outil, la méthode, le circuit mis à disposition, on s’adapte, on évolue, on n’a pas vraiment le choix. On ne peut pas dire qu’on a été aidé depuis trois ans. Déjà, on n’a pas été consulté préalablement au projet. Ensuite, on a souvent été pris en otage entre les parties prenantes et témoin de négociations et tergiversations. Alors oui, on a été écoutés mais pas toujours compris ». Avant de conclure, toutefois optimiste : « Alors place à l’avenir ! ». Le ministère de l’Économie l’assure : « L’assistance de l’INPI a été renforcée pour accompagner les professionnels, le numéro d’appel d’INPI Direct (01 56 65 89 98) est ouvert de 9h à 18h les jours ouvrés. Les chambres consulaires (Chambre de métiers et de l’artisanat, Chambre de commerce et d’industrie, Chambre d’agriculture) et l’URSSAF apportent un conseil métier gratuit aux entrepreneurs ». Selon le ministère, « de nombreuses évolutions et corrections, tant techniques qu’ergonomiques, ont été réalisées à partir des retours d’expérience des utilisateurs, des fédérations professionnelles et de l’ensemble des partenaires institutionnels. L’INPI et les partenaires institutionnels poursuivront leurs efforts pour accompagner ce changement et faciliter l’utilisation du guichet. À ce titre le site connaîtra d’importantes améliorations en matière d’ergonomie afin de faciliter le parcours des usagers : ces évolutions se feront en trois étapes et aboutiront à une deuxième version du site à mi-2025 ».
Les premiers jours de la nouvelle permettront très vite de savoir si les évolutions et les corrections apportées seront suffisantes ou si, comme il y a un an, Infogreffe sera de nouveau appelé à la rescousse.
« Ce sera le chaos de toutes façons »
Pour Marie Hedrera, responsable depuis six ans du service juridique et formalités de la société Proformalités, cela ne fait aucun doute : le Guichet unique n’est pas prêt.
Comment cela va se passer désormais pour les formalités des entreprises ?
– Je ne sais pas du tout comment cela va se passer. Cela va être au cas par cas. Il y a des modifications qui fonctionnent bien sur le Guichet unique, comme les immatriculations, et d’autres qui ne fonctionnent pas du tout. Les délais vont être rallongés, c’est sûr. Le RNE (Registre national des entreprises) n’a pas extrait correctement les données donc on nous demande, à nous, de compléter en même temps qu’on fait une modification. Il n’y a pas d’adéquation entre le RNE et le RCS (Registre du commerce et des sociétés). Cela veut dire en plus que l’on travaille gratuitement pour l’Etat.
Que s’était-il passé au début de l’année dernière après la mise à l’écart d’Infogreffe ?
– Cela ne marchait pas, aucune formalité n’était réalisée, c’était la panique la plus complète. Ils ont fait marche arrière, il n’y avait pas d’autres solutions. Si cela ne marche pas cette année, ils seront encore obligés de remettre la procédure de secours qu’ils viennent de supprimer. Ce sera le chaos de toutes façons puisqu’il y aura des serveurs qui vont être saturés. Jusqu’ici, on se partageait en deux, entre l’INPI et Infogreffe. Là, tout va être renvoyé sur le même serveur. Un serveur qui, on le sait, sature déjà. Les gens travaillent le soir ou entre midi et deux parce qu’il y a moins de connexions. Aux heures les plus fortes, il n’est pas possible de se connecter.
L’année de recul n’a pas été suffisante pour prévenir les dysfonctionnements ?
– Ce n’était pas suffisant car il y avait trop de problèmes dès le départ. Et pas simplement techniques, il y avait également des problèmes juridiques, avec énormément d’erreurs. À long terme, ce qui va se passer c’est que cela va bloquer l’économie puisque les gens ne pourront pas démarrer leur activité. Et cela pourrait même avoir un impact financier.
Que faudrait-il faire selon vous ?
– Il faudrait pouvoir continuer avec les deux. Cela permettrait de ne pas dépendre d’un seul site uniquement et de créer une situation de concurrence afin d’avoir des outils toujours plus performants. L’objectif avec le Guichet unique était de simplifier mais c’est encore plus compliqué. C’est en fait plus simple avec les deux et, à mon avis, ils remettront Infogreffe en mars.
Les nouveaux tarifs dans les Alpes-Maritimes
L’arrêté du 16 décembre 2024 a modifié l’arrêté du 19 novembre 2021 relatif à la tarification et aux modalités de publication des annonces judiciaires et légales. Voici les principaux tarifs applicables depuis le 1er janvier pour la constitution d’une société :
– Pour une société anonyme (SA) : 395 euros ;
– Pour une société par actions simplifiée (SAS) : 197 euros ;
– Pour une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) : 141 euros ;
– Pour une société en nom collectif (SNC) : 218 euros ;
– Pour une société à responsabilité limitée (SARL) : 147 euros ;
– Pour une société à responsabilité limitée unipersonnelle (dite « entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée », EURL) : 123 euros ;
– Pour une société civile (à l’exception des sociétés civiles à objet immobilier) : 220 euros ;
– Pour une société civile à objet immobilier (dite « société civile immobilière », SCI) : 189 euros.