Cédric Villani : L'IA (...)

Cédric Villani : L’IA est un sujet « qu’il convient de traiter de façon démocratique »

Invité de l’Institut EuropIA et du Département dans le cadre des IA Dates, le lauréat de la médaille Fields 2010 a exposé, le 7 décembre à Nice, les limites et les promesses de l’intelligence artificielle.

«  Il faut avouer que l’intelligence artificielle, personne ne sait ce que c’est ». Le célèbre mathématicien a distillé une pointe de provocation pour capter, si cela était nécessaire, toute l’attention de son auditoire.
La grande salle de l’hôtel Anantara Plaza affichait complet (300 personnes environ) pour assister à la conférence de clôture des IA Dates organisées par l’Institut EuropIA, en partenariat avec le Département des Alpes-Maritimes, la Maison de l’intelligence artificielle et le Sictiam. Sur le thème « Quelle ambition en France et en Europe pour l’intelligence artificielle ? », l’ancien député de l’Essonne s’est brillamment exprimé pendant une demi-heure avant de participer à une table ronde avec Justine Lipuma, la co-fondatrice et présidente de Mycophyto, Diana Sebbar, directrice exécutive de l’Initiative d’Excellence et Grands Projets de l’Université Côte d’Azur, et Marco Landi, président du Comité d’experts du Smart Deal 06 et président d’EuropIA.

Cédric Villani ©S.G

« Je veux dire par là que quand vous essayez de donner une définition de l’intelligence artificielle qui tienne la route, vous vous rendez bien vite compte que c’est mission impossible », a expliqué Cédric Villani. Il a toutefois proposé «  une définition de travail », celle utilisée dans le cadre de la mission confiée par l’ancien Premier ministre Édouard Philippe et qui a abouti au rapport « Donner un sens à l’intelligence artificielle. Pour une stratégie nationale et européenne », remis en mars 2018. Soit « toute procédure algorithmique qui permet d’effectuer automatiquement une tâche qu’on aurait cru réservée aux humains et dans un contexte de recherche et développement qui fait qu’il y a de l’excitation autour de cette tâche ».

« Impuissance inquiète »

Cinq ans après la publication de son rapport, Cédric Villani a estimé à Nice que c’était « une bonne période pour faire un bilan  », notamment au moment où Google vient de lancer Gemini, son IA qui vient concurrencer ChatGPT. «  Le bon point c’est que cinq ans après on continue à parler de ce rapport, il est pris comme référence ici et là, en France, à l’étranger ». Il a également cité un autre rapport, celui de la Cour des comptes d’avril dernier (La stratégie nationale de recherche en intelligence artificielle. Une stratégie à structurer et à pérenniser), déclarant qu’elle avait relevé que si « la stratégie faite dans la foulée du rapport n’avait pas été suffisante pour permettre à la France d’entrer dans le top 5  », elle avait au moins permis à la France «  de rester dans le top 10 et qu’elle aurait été largement déclassée si la stratégie n’avait pas été mise en œuvre ». Pour Cédric Villani, l’IA est « un sujet que tout le monde doit s’approprier : les uns et les unes parce que cela changera leurs pratiques professionnelles, les autres pour ne pas se laisser gagner par ce sentiment d’impuissance inquiète qui arrive à n’importe quel citoyen quand il voit venir un sujet technique incompréhensible dont on vous dit qu’il va transformer la société. L’IA est l’un de ces sujets où le simple fait d’en discuter, de travailler dessus, d’approfondir, permet de dissiper cette angoisse. C’est un sujet qui interroge toute la société et c’est un sujet qu’il convient de traiter de manière démocratique », a-t-il assuré.

Souveraineté

Sur le modèle du principe républicain inscrit dans la Constitution, «  le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple  », il a ensuite proposé de s’interroger sur l’intelligence artificielle : « par qui, pour qui et au nom de qui ? ». L’ancien candidat à la mairie de Paris a indiqué que l’IA était faite par « des experts en programmation » qui s’appuient sur les trois grandes techniques d’apprentissage, aussi bien pour les humains comme pour les algorithmes : par règles, par exemples et par exploration. Il a ajouté que les IA étaient développées le plus souvent par des équipes interdisciplinaires et que c’était « un secteur masculin, de façon écrasante ». Il a d’ailleurs regretté qu’il y ait eu « proportionnellement plus de femmes programmant dans les années 80 qu’aujourd’hui ». À la question « pour qui ? », il a répondu que le sujet concernait « tout le monde », admettant toutefois que cela favorisait surtout pour l’heure «  les plus puissants et les mieux informés  ». Enfin, pour l’interrogation « au nom de qui ?  », il a rappelé avoir insisté dans son rapport sur le mot-clé de « souveraineté », « c’est-à-dire que c’est un projet de société qui doit rester aux manettes. Cela veut dire aussi qu’il faut défendre des projets dans nos territoires  », au niveau local, national et européen. «  L’Europe est un continent qui compte une extraordinaire quantité de talents de recherche mais qui n’est jamais parvenu à transformer cela en développement massif économique, au service de la société  », a-t-il conclu.

Les premiers prix « Alpes-Maritimes, terre d’IA » décernés

Le président du Département Charles Ange Ginésy a remis le Prix de l’Entreprise à Justine Lipuma pour les solutions biologiques de sa société, Mycophyto, qui permettent de revitaliser les sols tout en réduisant les apports en eau et en engrais chimiques. Il a ensuite récompensé du Prix de la Recherche l’Institut d’intelligence artificielle 3IA Côte d’Azur, représenté par Diana Sebbar, pour la dynamique exceptionnelle qu’elle a su insuffler à la recherche dans l’IA. Enfin, le Prix du Président a été décerné à Marco Landi, ancien directeur exécutif monde d’Apple, pour son investissement dans le Smart Deal 06 et au sein de l’Institut EuropIA.

Photo de Une : Cette conférence a clôturé le cycle IADATE 2023 initié par le Département 06 - ©S.G

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