Laurence Bessas-Joyeux : « La sculpture est une affaire sérieuse »
- Par Marie Lesimple --
- le 11 janvier 2025
Laurence Bessas-Joyeux n’aurait jamais pensé devenir sculptrice. Les femmes ne sont pas si nombreuses dans cette discipline. D’ailleurs, elle excellait dans la gravure, en taille directe. Un art qu’elle exerce toujours, bien des années après ses débuts à l’âge de dix-huit ans, dans son atelier qui fait face au village de Tourrette-Levens.
La parenté entre gravure et sculpture n’est pas si évidente pour le profane. Elle est pourtant incontestable « parce que dans les deux domaines, on retire de la matière ».
Cette artiste lance inlassablement des défis aux volumes, souvent en dimension XXL.
Longtemps parisienne, Laurence Bessas-Joyeux s’est pourtant toujours sentie niçoise : son véritable pays, c’est ici. Nous la connaissons aussi pour avoir remarqué ses œuvres au festival du Peu, au CIAC de Carros, haut lieu de l’art contemporain, et à Saint-Raphaël lors de l’exposition « Nomade » organisée par Simone Dibo Cohen. « J’ai été formée par Étienne Martin à l’école des Beaux-Arts de Paris » explique-t-elle, même si elle l’a eu assez peu de temps comme professeur. Ce sculpteur qui « parlait principalement avec ses mains » l’a marquée à vie. Elle aura tout de même attendu ses 36 ans pour affronter la sculpture, tailler la matière dure et noble, propulsée par le peintre François Lauvin. Depuis, elle travaille diverses matières : chêne, olivier, acajou, granit et toutes les couleurs de marbre, qu’il soit de Carrare ou de Belgique comme la pierre bleue du Hainaut.
Le temps long
Rien de facile, on s’en doute. Ses pièces s’élaborent dans le sérieux, le temps long. Le dialogue avec ces matières requiert une patience infinie qui laisse la réflexion faire son œuvre. « On ne devrait pas se laisser prendre par ces représentations mensongères ». Ne nous y trompons pas : il y a une hiérarchie des valeurs. Laurence Bessas-Joyeux fustige l’esprit de divertissement qui s’affiche dans les villes ou aux ronds-points à travers les sculptures en résine. Aux animaux bariolés et grandiloquents, elle oppose la noblesse et la dimension sacrée que sont les matières naturelles, délivrant des messages de sagesse, de paix, et même d’optimisme. Elle nous parle d’un vénérable tronc de chêne ou d’olivier, d’un majestueux bloc de pierre posé dans un coin depuis des mois ou même des années, qui finissent par l’appeler un jour. Quand elle y répond avec ses outils - massette, pointe, gradine, rifloir, éponges abrasives au diamant - du dégrossissement au polissage, c’est pour révéler petit à petit un langage qui lui est propre, alternant les effets dans des jeux avec la lumière, dans toutes ses façons de l’accrocher, dans ses formes lisses et pleines, ou ses surfaces frappées, blessées, dans ses anfractuosités.
Comme certaines de ses œuvres monumentales attendent encore un acquéreur, pourquoi ne pas les offrir au regard de tous sur le fronton des mairies ou devant les beaux immeubles ?
Après tout, la commande ou l’acquisition d’une œuvre offre un dégrèvement d’impôt aux entrepreneurs…
Elle va exposer son travail du 22 mars au 13 avril avec son invitée, la peintre Catherine Berthelot, à l’Espace culturel de Tourrette-Levens.
Marie LESIMPLE