Loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme : comment concilier tourisme et habitat résidentiel ?
- Par Maître Cyril Sabatié Avocat à la Cour --
- le 4 décembre 2024
La loi dite « LE MEUR- ECHANIZ » visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale est parue ce 20 novembre. Elle donne notamment des outils aux communes et aux copropriétés pour réguler la location touristique de courte durée. Ce texte permettra-t-il de concilier le fragile équilibre existant entre tourisme et habitat résidentiel ?
Tour d’horizon rapide des principales mesures.
Par Me Cyril SABATIE, CABINET LBVS AVOCATS
Avocat à la cour
Spécialiste en Droit Immobilier
Ancien Directeur juridique de la FNAIM
Membre de la Chambre Nationale des Experts en Copropriété
Auteur de l’ouvrage « Copropriété » aux éditions Delmas
Après un parcours législatif chaotique en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale la loi n°2024-1039 du 19 novembre 2024 (parue au Journal Officiel du 20 novembre) vise donc à renforcer les outils de régulation dans le secteur immobilier, en réponse aux déséquilibres croissants sur le marché locatif, notamment dans les zones dites tendues. Cette réforme impacte l’ensemble de l’environnement juridique des professionnels de l’immobilier et du tourisme.
Synthèse rapide en 5 points.
Une nouvelle obligation de déclaration et d’enregistrement unique et nationale
Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme devra préalablement procéder à une déclaration soumise à enregistrement auprès d’un téléservice national opéré par un organisme public unique (à l’exception de la Corse). Le texte précise notamment que si le bien constitue la résidence principale du déclarant, celui-ci devra en apporter la preuve dans sa déclaration. L’application pratique de cette déclaration, son renouvellement et le contenu du dossier à constituer sont soumis à la parution d’un décret et entreront en vigueur au plus tard à la date du 20 mai 2026.
Une obligation de décence énergétique
Jusque-là il existait « un trou dans la raquette » puisque les logements dits énergivores qui pouvaient faire l’objet d’une interdiction de location pouvaient basculer sur le secteur de la location touristique, puisque l’obligation de décence énergétique ne leur était pas imposée. Le texte comble partiellement cette lacune et prévoit que les niveaux de performance énergétique d’un logement décent définis notamment à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 devront également être respectés par les logements loués en meublé de tourisme. Ainsi à partir de 2034, tous les meublés de tourisme, actuels et futurs, devront être classés entre A et D.
Une exception toutefois, cette obligation de décence énergétique ne s’appliquera pas lorsque ladite location touristique constitue la résidence principale du bailleur.
Dans les communes où le propriétaire doit solliciter un changement d’usage pour procéder à la location, la demande devra être accompagnée d’un DPE répondant aux critères de performance fixés par le calendrier actuel. Le texte ajoute que le maire pourra demander à tout moment au propriétaire d’un meublé de tourisme de lui transmettre, dans un délai de 2 mois, le DPE en cours de validité (au besoin sous la contrainte d’une astreinte administrative de 100 € par jour passé ce délai).
Une réduction du nombre de jours de location et un zonage restrictif
À partir du 1er janvier 2025 les communes pourront, sur délibération motivée, abaisser le nombre maximal de jours de location autorisés pour les résidences principales, dans la limite de 90 jours (contre 120 actuellement). Elles pourront également, sur délibération, soumettre à autorisation préalable tous types de locaux qui ne seraient pas à usage d’habitation (notamment les bureaux, jusque-là pas concernés par le dispositif).
Le PLU pourra désormais comporter (après procédure de modification simplifiée) un règlement
pouvant délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels toutes les constructions nouvelles de logements sont à usage exclusif de résidence principale (au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989, à savoir résidence dans les lieux au moins 8 mois par an).
De même, la commune pourra également fixer, sur tout ou partie de son territoire, dans une ou plusieurs zones géographiques qu’elle délimite, le nombre maximal d’autorisations temporaires qui peuvent être délivrées ou la part maximale de locaux à usage d’habitation pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire de changement d’usage. Enfin, la liste des communes dans lesquelles l’autorisation préalable de changement d’usage est obligatoire de jure est étendu aux communes soumises à la taxe sur les locaux vacants. Afin de faciliter les contrôles et sanctions pour les communes, l’usage d’habitation d’un bien peut d’ailleurs désormais être établi par tout mode de preuve, la charge de la preuve incombant à celui qui veut démontrer son usage illicite.
Des mesures de régulation pour les copropriétés
Le développement endémique de ce mode de location dit Airbnb dans les copropriétés, avec
parfois son lot de nuisances, et l’évolution de la jurisprudence sur la compatibilité de cette activité avec les clauses des règlements de copropriété, requéraient des mesures.
La loi du 19 novembre 2024 a ainsi choisi de modifier la loi du 10 juillet 1965. Ce texte crée un nouvel article 8-1-1 dans la loi de 1965 qui impose aux règlements de copropriété établis à compter du 21 novembre 2024 de mentionner de manière explicite l’autorisation ou l’interdiction de location de meublés de tourisme.
Ce texte complète également avec un alinéa de l’article 26 de la loi de 1965. Désormais les assemblées générales de copropriétaires pourront interdire les locations de meublés touristiques à une majorité des deux tiers (et non plus seulement à l’unanimité), mais seulement dans les copropriétés dont le règlement interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale.
Cet assouplissement ne concerne toutefois pas les lots à usage de résidence principale (logements occupés au moins 8 mois par an au sens de la loi de 1989, tel que précédemment indiqué).
Enfin un nouvel article 9-2 voit également le jour dans la loi du 10 juillet 1965, faisant peser une nouvelle obligation sur le copropriétaire bailleur et le syndic de la copropriété. Ainsi, lorsqu’un lot de copropriété fait l’objet de la déclaration préalable de location prévue à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme le copropriétaire (ou le locataire qui y a été autorisé) doit en informer le syndic. Un point d’information relatif à l’activité des locations de meublés touristiques au sein de la copropriété doit ensuite être inscrit par le syndic à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale (quantifiant le nombre de déclarations dans l’immeuble).
Une fiscalité définitivement moins attrayante
Pour tenter d’endiguer ce mode de location, plus rentable, et jusque-là avantagé fiscalement par rapport au régime des revenus fonciers, le texte révise les abattements fiscaux applicables aux revenus perçus à compter de 2025.
– Pour les meublés de tourisme non classés, l’abattement forfaitaire du micro BIC passe à 30 %, dans la limite de 15 000€ de revenus locatifs, s’alignant sur celui du micro foncier applicable aux locations vides.
– Les meublés classés bénéficient eux toujours d’un abattement de 50 %, mais uniquement jusqu’à 77 700 € de recettes.
Conclusion : la loi n°2024-1039 du 19 juillet marque assurément un tournant dans la régulation de l’immobilier touristique en France. Pas certain cependant que la pénurie actuelle de logements en France soit la résultante de la location touristique de courte durée... Il est fort à parier que ces mesures ne vont pas remettre beaucoup de logements sur le marché de la location dit « classique ». Le mal est bien plus profond chez les bailleurs qui préfèrent souvent garder leur logement vacant, quitte à payer des taxes, plutôt que subir les affres et la fiscalité de la location à l’année.