Bienvenue en terre inconn

Bienvenue en terre inconnue !

Michel Barnier n’avait d’autre choix que d’engager la responsabilité de son gouvernement pour espérer faire adopter le PLFSS 2025. Ce faisant, il savait qu’il signait la fin de son passage à Matignon. La motion de censure promise par LFI en cas de 49.3 avait toutes les chances de réussir en rassemblant, façon mariage de la carpe et du lapin, les voix du Rassemblement national, du groupe Ciotti et celles du Parti socialiste. Dès lors, le seuil des 289 votes nécessaires pour faire tomber le gouvernement fut largement atteint. Chronique d’une mort annoncée dès ce week-end par Marine Le Pen, qui, après avoir hésité, s’est ralliée à la radicalité de sa base réclamant l’estocade finale.
Et c’est ainsi que, dans ce théâtre de faux-semblants, le petit jeu des partis politiques est devenu illisible. Les Français ne comprennent plus rien à ce spectacle navrant, dans lequel les intérêts des uns et des autres passent avant celui du pays. Le seul résultat tangible de cette farce, plus tragique que comique, est que l’on obtiendra… à peu près l’exact inverse de ce que les uns et les autres réclamaient pour le pouvoir d’achat, la protection sociale, le « bien-être » de la population.
Puisque l’on doit maintenant se contenter de copier-coller le budget 2024 pour que la machine continue à tourner, nous disons « adieu » aux économies pourtant « nécessaires » et « indispensables ». La dette continuera à se creuser avec un déficit promis à 7 %. Les impôts vont augmenter mécaniquement pour tout le monde avec la non-indexation du barème sur l’inflation.

Trois cent quatre-vingt mille foyers, jusque-là non imposables car trop modestes, vont être soumis à l’IR. Les super-riches (25 000 contribuables) n’auront pas à payer la super-taxe prévue pendant trois ans. Les promesses faites aux agriculteurs passeront à la trappe. Le déremboursement des médicaments sera effectif. Les efforts nécessaires en matière de défense nationale et de sécurité intérieure sont remis à des jours meilleurs, en espérant que, d’ici là, notre ami Vladimir Poutine reste zen.

Michel Barnier avait pourtant beaucoup cédé, jusqu’à remettre en cause des économies indispensables. Chaque parti pouvait trouver dans ces renoncements son petit quelque chose. Mais chacun s’est employé à savonner la planche, même dans le « socle commun » censé soutenir le gouvernement. Car la présidentielle de 2027 est dans tous les esprits et les prétendants ne manquent pas, sauf qu’il faudra tenir jusque-là, ou au moins jusqu’aux prochaines législatives (au plus tôt en juillet 2025), en espérant qu’elles donnent une majorité claire pour gouverner.

«  Nous entrons en territoire inconnu », a déclaré Barnier à la tribune de l’Assemblée.
Cela est vrai aussi pour le président de la République, que beaucoup voudraient renvoyer dans ses foyers, en le considérant comme principal responsable du ’binz’ actuel. La démission ne semble pas dans son caractère. La destitution est un chemin compliqué. Reste que, si la situation l’exige, l’article 16 de la Constitution peut lui confier les pleins pouvoirs, qui ne sont cependant pas sans limites. Nous n’en sommes pas encore là, mais la maison brûle.
Il est grand temps de regarder les choses en face pour ne pas rajouter de la crise à la crise. En sommes-nous capables, nos représentants le sont-ils ?

Jean-Michel CHEVALIER